Publications par Maryse Esterle

Reconnaissance

L’écrivain argentin Tomás Barna, dans une de ses nouvelles, raconte son étonnement quand son ami Alberto lui assure qu’un certain Daniel et lui furent très amis à Buenos Aires au temps de leur jeunesse. Si Tomás se souvient très bien de ses copains d’alors, il ne remet pas du tout Daniel, censé avoir été son alter ego à ce moment-là. Daniel non plus ne voit pas qui pourrait être ce Tomás dont lui parle son ami Alberto.
Il y a longtemps déjà, je faisais mes courses dans une grande surface. Au détour d’une allée, je tombai sur une dame installée derrière un stand de démonstration d’un produit que j’ai oublié aujourd’hui. Des décennies plus tard, je me souviens bien d’elle : petite, menue, les cheveux châtains en carré autour d’un visage aux traits fins animé d’un sourire aimable.

Les gens

Les gens sont de retour.
Ils sont là, dans les rues, sur les terrasses des cafés et dans les restaurants. Ils sont assis sur les bancs publics, ils jouent à la pétanque dans les parcs. Ils prennent un verre, comme ça, pour le plaisir d’être ensemble.
Depuis plus d’un an, ils avaient disparu. On marchait dans les rues, devantures fermées, rideaux baissés, visages masqués.
Et voilà qu’ils reviennent. Je n’aurais jamais cru qu’ils me manqueraient autant, les gens. Ces inconnues à la terrasse des cafés qui rient entre elles en se racontant des histoires que je n’entends pas, ces hommes en train de papoter devant une bière ou un café, ces étudiants qui passent en bavardant, le masque de travers.

Caresses

Mercedes Raquel Enrique est une amie écrivaine et poétesse argentine, âgée de 47 ans. En octobre 2020, elle a contracté une forme sévère de Covid -19. Elle a été hospitalisée à Buenos Aires pendant trois semaines, placée en coma artificiel et intubée.
Son mari et sa fille aînée ont pu la voir pendant cette période. Mercedes n’était pas vraiment consciente mais elle a senti leur présence, qui fut un appui fondamental pour sortir saine et sauve de cette épreuve.
À sa sortie de l’hôpital, elle a écrit ce poème, intitulé Desolación, qu’elle m’autorise à publier sur ce blog avec sa traduction française, avec tous mes remerciements !

Vol d’oiseaux

Mairie des Lilas, début de l’été. Un attroupement dans le couloir du métro, un peu en retrait de l’escalier qui mène vers la rue : deux ados, l’un furieux, l’autre tétanisé, se font face, visages à dix centimètres l’un de l’autre. Tension des corps, violence à fleur de poing, lèvres crépitantes.