Billets vie quotidienne

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Un restaurant dans une ville portuaire un soir de novembre. Un  jeune homme arrive avec une petite fille sans doute née il y a deux ans. Ils s’installent l’un en face de l’autre à une table pour deux personnes, disposée avec d’autres en ligne contre le mur. Le jeune homme commande un menu enfant pour la petite. Elle patouille sa viande hachée et frotte  les frites contre la table.

Pendant ce temps, son père téléphone ou passe des SMS. Il raccroche souvent, décroche ensuite, tiens bizarre, pourquoi utilise-t-il ainsi son portable au lieu de s’occuper de  sa fille ? Encore un téléphone addict ?
Entre une jeune femme dans le restaurant, elle ressemble tellement à la petite fille, c’est sûrement sa mère. Elle s’assied  à une table qui fait le coin du mur, au bout de la rangée où sont assis le père et sa fille. Mais viens près de nous murmure-t-il. Un silence glacé lui répond. La petite fille se lève et va s’asseoir sur les genoux de sa mère. Celle-ci ne lui parle pas et regarde droit devant elle. Resté seul à sa table, le jeune homme va s’asseoir près d’elles, sans un mot non plus. Ils ont tous les deux le visage gris. Celui de la mère exprime une haine de pierre, celui du père une consternation fatiguée. La petite fille n’a plus rien à manger devant elle, elle ne bouge pas sur les genoux de sa mère.

On dit que nous ne gardons pas les souvenirs avant trois ans, peut-être cette petite fille oubliera-t-elle ce moment ? Ou détestera-t-elle les restaurants sans savoir pourquoi ? Ou hurlera-t-elle soudain quand une amie  lui manifestera un peu d’indifférence ? Ou serrera-t-elle son enfant dans ses bras au moindre pleur en réprimant des sanglots  inconnus ?



 

 

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Assis sur une petite marche dans un salon du livre automnal en plein Paris, un homme mûr se fait aborder par un autre :

  • On se connaît ?
  • Non…
  • Je vois que vous me regardez avec intérêt.
  • C’est parce que vous êtes intéressant sûrement.
  • J’ai cru un instant que j’étais quelqu’un d’important…
  • Tout le monde est important.
  • Oui, mais pour un moment seulement.

C’est comme un lecteur qui dit  à un écrivain qu’il a adoré son livre en se trompant de titre parce qu’il  a confondu avec un autre livre écrit par un autre auteur. Mais il y avait sans doute une vague ressemblance.

 

 

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La vie c’est simple au fond, surtout quand il pleut…

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La capuche sur la tête chauve-souris à l’envers
Il dort à Place des Fêtes.
Torpeur rapide, rêve léger
Un renard à ses côtés.
Le temps de passer Jourdain et Pyrénées
Il se réveille et saute à Belleville
Comme un chat sur le quai.

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Elle a vingt ans en face de moi. J’en ai soixante et lui souris. Elle écoute une musique qui ne déborde pas des écouteurs installés dans ses oreilles. Lèvres pulpeuses, joues de pêche, la peau n’a pas encore pris assez de claques, de griffures ou de morsures pour que la vie se voie dessus.

Un voyageur dans l’autre carré la regarde comme le loup qui boufferait la bergère, j’en ferais bien mon quatre-heures mon dîner ou un en-cas à minuit de cette jeune beauté châtain clair au visage rond si féminin. Elle a vu le regard et le renvoie en sourcil levé vers moi, gonflé non, vous ne trouvez pas ?

Oui lui répond mon sourire sur sa bouche, il est gonflé mais il n’approchera pas, je suis là.

Tout bonheur a une fin. À la station Belleville, elle se lève et s’en va sur un dernier sourire. Moi je reste car je descends à Mairie des Lilas. La vie, ça tient à quelques stations de métro parfois.

Dans l’encoignure entre le siège et la paroi du wagon, un éclair de soie orange : une boucle d’oreille en plume, des petites perles blanches accrochées près de l’attache. Elle a gardé l’autre et oublié celle-ci vers ma main, en caresse veloutée déjà embellie par le souvenir qui commence.

 

 



 

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J’étais fleur je suis cité, Les Lilas, Seine-Saint-Denis

 

La rue raconte notre histoire,

toujours présente.

 

 

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La punition dans le métro last-concept.com

Photo last-concept.com

C’est la rentrée des classes et déjà les premières punitions !
Un peu de bienveillance que diable !

 

Jesus Métro

Un vendredi soir d’août, métro Anvers, encore beaucoup de monde à 11 h du soir.

Une voix forte, bien timbrée, celle d’un jeune homme noir entouré de ses amis. Que Jésus vous ait en Sa Sainte Garde, Jésus vous aime, il est avec nous ! Accueillez-le, Jésus est amour ! J’ai commis des péchés parce que j’ai fait des bêtises ! La voix s’enroule autour de la barre centrale du wagon et passe d’un siège à l’autre sur les voyageurs qui sourient avec entrain comme si c’était un gag, un sketch spécial métro-sortie du ciné. Tout le monde a l’air content d’être là, tous Parisiens même les touristes, un peu serrés les uns contre les autres,  à écouter ce type un brin allumé qui croit en Jésus et tout le reste et tient à nous entraîner dans cet amour.

Je doute qu’il convainque grand-monde mais il a mis une sacrée ambiance, la ligne 6 en est toute égayée.

A Barbès-Rochechouart tout le groupe descend, garçons et filles à la peau sombre et souriants. Vont-ils retourner dans leur paroisse, entrer dans un autre wagon ? Je n’ai pas le temps de les prendre en photo, le métro repart, il a laissé Jésus sur le quai, mais les sourires flottent encore dans le wagon, c’est chouette, le métro, la nuit. 

imagesEntre Laumière et Jaurès, une jeune fille de seize ou dix-sept ans dit à une autre, Moi je m’invente des besoins. Je me dis J’ai froid et je n’ai qu’un gilet, alors il faut que je m’en achète un autre, ça me fait un besoin, un truc à acheter. Elles rient toutes les deux.

Tennis en l'air

Drôle d’endroit pour mettre des tennis, bientôt les fils seront enterrés dommage ça aurait permis de faire des lancers de trucs à fil, de pelotes de laine lestées de petits cailloux, de cordes à sauter, de casseroles attachées par le manche. Les amoureux pourraient lancer des cadenas reliés par des fils de couleur, ça ferait des guirlandes en attendant Noël. Mais il ne faut pas en accrocher trop car ça risquerait de peser sur  les câbles, les fils électriques c’est fait pour faire passer l’électricité quand même et les agents d’EDF ne seraient pas contents. Et les voisins non plus.