Billets vie quotidienne

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La capuche sur la tête chauve-souris à l’envers
Il dort à Place des Fêtes.
Torpeur rapide, rêve léger
Un renard à ses côtés.
Le temps de passer Jourdain et Pyrénées
Il se réveille et saute à Belleville
Comme un chat sur le quai.

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Elle a vingt ans en face de moi. J’en ai soixante et lui souris. Elle écoute une musique qui ne déborde pas des écouteurs installés dans ses oreilles. Lèvres pulpeuses, joues de pêche, la peau n’a pas encore pris assez de claques, de griffures ou de morsures pour que la vie se voie dessus.

Un voyageur dans l’autre carré la regarde comme le loup qui boufferait la bergère, j’en ferais bien mon quatre-heures mon dîner ou un en-cas à minuit de cette jeune beauté châtain clair au visage rond si féminin. Elle a vu le regard et le renvoie en sourcil levé vers moi, gonflé non, vous ne trouvez pas ?

Oui lui répond mon sourire sur sa bouche, il est gonflé mais il n’approchera pas, je suis là.

Tout bonheur a une fin. À la station Belleville, elle se lève et s’en va sur un dernier sourire. Moi je reste car je descends à Mairie des Lilas. La vie, ça tient à quelques stations de métro parfois.

Dans l’encoignure entre le siège et la paroi du wagon, un éclair de soie orange : une boucle d’oreille en plume, des petites perles blanches accrochées près de l’attache. Elle a gardé l’autre et oublié celle-ci vers ma main, en caresse veloutée déjà embellie par le souvenir qui commence.

 

 



 

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J’étais fleur je suis cité, Les Lilas, Seine-Saint-Denis

 

La rue raconte notre histoire,

toujours présente.

 

 

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La punition dans le métro last-concept.com

Photo last-concept.com

C’est la rentrée des classes et déjà les premières punitions !
Un peu de bienveillance que diable !

 

Jesus Métro

Un vendredi soir d’août, métro Anvers, encore beaucoup de monde à 11 h du soir.

Une voix forte, bien timbrée, celle d’un jeune homme noir entouré de ses amis. Que Jésus vous ait en Sa Sainte Garde, Jésus vous aime, il est avec nous ! Accueillez-le, Jésus est amour ! J’ai commis des péchés parce que j’ai fait des bêtises ! La voix s’enroule autour de la barre centrale du wagon et passe d’un siège à l’autre sur les voyageurs qui sourient avec entrain comme si c’était un gag, un sketch spécial métro-sortie du ciné. Tout le monde a l’air content d’être là, tous Parisiens même les touristes, un peu serrés les uns contre les autres,  à écouter ce type un brin allumé qui croit en Jésus et tout le reste et tient à nous entraîner dans cet amour.

Je doute qu’il convainque grand-monde mais il a mis une sacrée ambiance, la ligne 6 en est toute égayée.

A Barbès-Rochechouart tout le groupe descend, garçons et filles à la peau sombre et souriants. Vont-ils retourner dans leur paroisse, entrer dans un autre wagon ? Je n’ai pas le temps de les prendre en photo, le métro repart, il a laissé Jésus sur le quai, mais les sourires flottent encore dans le wagon, c’est chouette, le métro, la nuit. 

imagesEntre Laumière et Jaurès, une jeune fille de seize ou dix-sept ans dit à une autre, Moi je m’invente des besoins. Je me dis J’ai froid et je n’ai qu’un gilet, alors il faut que je m’en achète un autre, ça me fait un besoin, un truc à acheter. Elles rient toutes les deux.

Tennis en l'air

Drôle d’endroit pour mettre des tennis, bientôt les fils seront enterrés dommage ça aurait permis de faire des lancers de trucs à fil, de pelotes de laine lestées de petits cailloux, de cordes à sauter, de casseroles attachées par le manche. Les amoureux pourraient lancer des cadenas reliés par des fils de couleur, ça ferait des guirlandes en attendant Noël. Mais il ne faut pas en accrocher trop car ça risquerait de peser sur  les câbles, les fils électriques c’est fait pour faire passer l’électricité quand même et les agents d’EDF ne seraient pas contents. Et les voisins non plus.

 

Bd du Montparnasse 10 12 2016

Boulevard du Montparnasse à Paris, un samedi  de décembre 2016, il fait froid.

Je suis pressée, je vais à la séance matinale d’un cinéma du quartier et je ne veux pas rater le début. Il est assis là, posé sur le trottoir, son sac à côté de lui, au bord d’une sortie de voiture. Je le vois d’abord de face, un homme jeune, aux yeux sans regard, le visage  immobile encadré par la capuche de son anorak. Pas la moindre sébile devant lui pour faire la manche, ce n’est de toute façon pas un lieu très adapté.

En sortant du cinéma, trois heures et un débat animé plus tard, je le retrouve de dos, dans la même position. Il y restera sans doute longtemps, corps pétrifié qui ne demande rien, visage engourdi, très loin de nous.

 

Un jour de janvier, je ne sais plus de quelle année.

Vous voulez vous asseoir madame ? Ce soir dans le métro, une jeune fille m’a proposé sa place quand je suis entrée dans le wagon. Ça se voit tant que ça ? Déjà que je me sentais vieille et fatiguée et en plus j’ai une carte senior depuis un mois‍ ! Il va falloir lutter pour garder le moral et le printemps est encore loin.

Un de mes copains raconte cette histoire : il entre dans un wagon de métro, une jeune fille est assise, elle est jolie, il lui sourit. Elle lui rend son sourire, il se dit J’ai une touche (on parlait comme ça quand on était jeunes). Elle fait mine de se lever en disant : Vous voulez vous asseoir, Monsieur ? Non non, souffle-t-il en se sentant devenir cramoisi. Là j’ai eu l’impression d’être vraiment  vieux, lâche-t-il au milieu des rires. Et moi de même aujourd’hui, et aussi quand j’avise un joli garçon qui ne me prête pas la moindre attention et dont je me rends compte, à l’observer de plus près, qu’il est nettement plus  jeune que  ma fille.

Emmanuelle Riva

Emmanuelle Riva s’est envolée le 27 janvier dernier. Deux semaines plus tôt,  elle éclairait l’émission de  Laure Adler avec ces paroles :

Je commence à dépasser les bornes de l’âge, je sens qu’on est deux, il y a mon corps et moi, je le sens très fort, il y a une lutte et puis faut pas faire la maline, faut se dépêcher d’être comme tout le monde, faut pas se faire remarquer ! Son rire argentin de jeune fille.

Vivre en artiste c’est quoi ? De l’art  j’en vois chez beaucoup de personnes, l’art de vivre. Mon grand-père était un maçon, il était beau, je suis issue de ces milieux là et je dis bêtement que j’en suis fière.

Les souvenirs sont très vivants pendant que je m’entretiens avec vous, je ne veux pas que vous soyez venue pour rien !

Ça devrait être simple un couple, parce que tout s’intrique, et en même temps on a besoin de liberté. On a besoin d’être seul mais avec les autres. On ne se sent pas seul sauf quand on est un peu malade, parce qu’on a la frousse. Lire la suite