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En route vers l’IUFM, janvier 2013,  tôt.

Ce matin j’étrenne une nouvelle sacoche, légère comme une plume, plus maniable que la précédente. À chaque départ,  mes premiers pas annoncent la journée : serai-je en forme aujourd’hui, ou la fatigue pesante alourdit-elle déjà le trajet ? Comme dans une sévillane où les notes préliminaires indiquent le tempo : c’est une rapide ou une lente, et les danseurs  ajustent le rythme de leur mouvement à celui de la musique. À l’heure qu’il est, c’est plutôt lent.

Sur le chemin qui descend vers le métro,  deux hommes commencent à décharger un camion, une jeune femme pressée me double, son sac à bandoulière à l’épaule, un jeune homme marche devant moi, les mains dans les poches d’un méchant petit blouson, les épaules rentrées, les volutes de fumée de sa cigarette serpentant autour de son col relevé. J’étrenne une belle polaire beige mais j’ai très froid aux joues et au menton.

Un peu plus de monde à l’approche du métro, des gens promènent leur chien, les commerçants installent leur étalage sur le marché de la place de l’Église. Le trafic est déjà dense sur l’avenue Jean Lolive, cette grande veine qui relie Paris à la Seine-Saint-Denis : Bobigny, Bondy, Rosny… le 93 profond, celui des cités qui font peur. Moi j’habite le 9-3 tranquille, tout près de Paris, inconnu des médias, sans histoire.

La ville m’entraîne, comme si j’étais portée par tous ces gens qui avancent vers le métro, reliés les uns aux autres en cohorte. Sirène d’une voiture de pompiers, ils déboulent avec leur voiture rouge. Il y a encore des lumières de Noël accrochées aux lampadaires.

 

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Quelques mois plus tard, une autre photo de classe… Mai 68 est passé par là, les blouses ont volé par-dessus les murs du lycée, nous n’en devînmes ni plus pauvres ni plus riches pour autant, mais nous eûmes des opinions : de droite, de gauche, d’extrême-gauche, du centre (celles-là étaient plutôt mal à l’aise), avec des cours de philo ou d’histoire transformés en pugilats  quelquefois… Bref nous commencions à penser, ce qui n’était pas mal pour des filles à l’époque et nous ne savions même pas quelle chance nous avions de pouvoir le faire ! C’est après, quand nous avons quitté cette banlieue ouest bourgeoise et bien élevée, que nous avons réalisé comment était le monde, pour y prendre place plus définitivement, et sans doute de manière assez stable jusqu’à aujourd’hui…

 

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Il y a comme un petit retour vers le passé  à l’école aujourd’hui, voilà que l’on reparle des uniformes… Cela m’a fait penser à un texte publié au début des années 2000 dans la revue VEI Diversité, où je parle de ces blouses que nous devions porter jusqu’à la fin des années 1960. J’étais lycéenne dans la banlieue ouest de Paris où régnait encore la ségrégation de genre : deux mille garçons d’un côté de la rue, deux mille filles  de l’autre ; deux fausses sociétés qui s’épiaient,  sans hommes ou sans femmes.

« Nous portions des blouses roses ou bleues (on disait : c’est la semaine rose ou c’est la semaine bleue) et nous devions dissimuler nos vêtements sous ces blouses. Nous devions les fournir et les entretenir nous-mêmes. Il y avait des boutiques spécialisées où on pouvait en trouver. Quand une fille s’était trompée de semaine, elle était facile à repérer et à sanctionner : une bleue dans une vague de roses, une rose au milieu des bleues. Lire la suite

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Il faut être folle, n’est-ce pas, pour aller sur une place, en pleine dictature militaire, coiffée d’un fichu blanc sur lequel est inscrit le nom de son enfant ? Pour aller réclamer, face contre face des militaires, des nouvelles des disparus ? Il faut être nombreuses à être folles pour résister aux gardes à cheval qui rentrent dans la foule ou aux policiers  dont on ne voit pas le visage derrière la visière sombre du casque ? Pour demander où sont les bébés sortis du ventre de  mères dont on ne retrouvera jamais la trace ?

Le tyran déclare : Le disparu c’est  l’inconnu. Si l’homme apparaissait vivant il aurait un traitement X, s’il apparaissait mort il aurait un traitement Y, mais tant qu’il reste disparu, on ne peut le traiter d’aucune manière, c’est l’inconnu, le disparu  n’est pas une entité, il n’est ni mort ni vivant, face à cela nous ne pouvons rien faire, nous soutenons la famille. Jorge Rafael Videla, Buenos Aires, 1979.

Jeux de mots d’outre-tombe pour morts sans sépulture. Lire la suite

Quand la voix des politiques s’enroue, restent les poètes.

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País petit

El meu país és tan petit
que quan el sol se’n va a dormir
mai no està prou segur  d’haver-lo vist.

Diuen les velles sàvies
que és per això que torna.
Potser sí que exageren,
tant se val! és així com  m’agrada a mi

El meu país és tan petit
que sempre cap dintre del cor.

Lluis Llach, poète et chanteur catalan

Petit pays

Mon pays est si petit
Qu’en allant se coucher
Le soleil n’est jamais vraiment  sûr de l’avoir vu.

Dans leur sagesse les vieilles disent
Que c’est pour cela qu’il revient,
Elles exagèrent peut-être,
Peu importe, c’est comme cela qu’il me plait.

Mon pays est si petit
Qu’il peut tenir tout entier dans mon cœur.

 

 

 


País petit 

Mon pays est si petit
Qu’en allant se coucher
Le soleil n’est jamais vraiment  sûr de l’avoir vu.

Dans leur sagesse les vieilles disent
Que c’est pour cela qu’il revient,
Elles exagèrent peut-être,
Peu importe, c’est comme cela qu’il me plait.

Mon pays est si petit,
Qu’il peut tenir tout entier dans mon cœur.


País pPetit

 

 

 

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Un petit matin dans le train vers Arras.  Le ciel bleuté est irisé de filaments roses, le soleil monte sur l’horizon, c’est un spectacle magique. Mais qui est cette femme âgée dont je croise le regard dans le reflet de la vitre du TGV ?

Zut, c’est moi.

 

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J’étais fleur je suis cité, Les Lilas, Seine-Saint-Denis

 

La rue raconte notre histoire,

toujours présente.

 

 

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Il y a quelques semaines, je postai un texte et des photos intitulés « Respiration » avec ces paroles d’une chanson entendue à Barcelone au mois de mai dernier.

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Resistiré para seguir viviendo
Soportaré los golpes y jamás me rendiré
Y aunque los sueños se me rompan en pedazos
Resistiré, resistiré…

Je résisterai pour continuer à vivre,
Je supporterai les coups et jamais ne me rendrai,
Et même si mes rêves volent en éclats,
Je résisterai, je résisterai !

J’ai repensé à ces mots et à cette tendre fête dans le printemps catalan.
Aujourd’hui, ces photos des Ramblas, en regardant vers le ciel.


Il y a quelques semaines, je postai un texte et des photos intitulés « Respiration » avec ces paroles d’une chanson entendue à Barcelone au mois de mai dernierJe résisterai pour continuer à vivre, je supporterai les coups et jamais ne me rendrai, et même si mes rêves volent en éclats, je résisterai, je résisteraJ’ai repensé à ces mots et à cette tendre fête dans le printemps catalan.

es photos des Ramblas, en regardant vers le ciel.

 

 

Il fait très chaud en ce moment. Ce n’est pas une raison pour oublier qu’il peut faire aussi très froid. Et quand il fait froid, il ne faut pas oublier son écharpe, son bonnet et ses gants, sinon on a froid au cou, à la tête et aux mains. Et je ne parle pas du reste si on a oublié son anorak. C’est parce qu’il fait très chaud que je mets ces photos de l’IUFM d’Arras, un jour d’hiver 2013. J’ai parlé dans le livre des « intempéries », mais je n’ai pas insisté dessus. C’est assez rafraichissant, la neige, finalement,  quand on annonce 36 degrés. Comme quoi la vie ce n’est pas toujours pareil. Un jour il fait chaud, un autre jour il fait froid.  Voilà. Je mets aussi les commentaires que j’avais faits quand j’ai pris les photos, pour l’ambiance.

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Arras est toute blanche aujourd’hui et les allées de l’IUFM n’ont pas été toutes déneigées, ce qui transforme les déplacements dans la cour en vaste champ de lutte contre la glissade mortelle. Cinq bons centimètres de neige dans le froid mordant du matin, quelques plaques d’asphalte  déjà dégagées par les pelles des agents de maintenance, les bruits étouffés de nos pas, des nuances de gris à n’en plus finir.

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Ce soir l’IUFM a une allure de conte de Noël, avec les lampadaires ronds allumés dans la nuit et leur halo de lumière autour du globe, un vélo incliné contre un poteau,  dont on ne distingue que la silhouette, comme une décoration en fer posée là pour faire contraste avec le blanc du sol, les traces de pattes des oiseaux dans la neige, au fond les dernières lumières du hall du grand amphi et des fenêtres de la bibliothèque et moi toute seule dans ce conte anglais, marchant vers la sortie dans la nuit. On ne voit plus la base des arbres, là où la souche s’enfonce dans le sol, silence et nuages de neige descendus du ciel et posés à leurs pieds.

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Les mondes de l’école

Bagnolet, Seine Saint Denis,  rue Sadi Carnot et rue François Mitterrand : une exposition de photos et de textes, Les mondes de l’école,  est accrochée aux grilles du parc de Château de l’Étang  jusqu’au 31 août 2017.

 

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Olivier Culmann et Mat Jacob sont partis dans les années 90 en Chine, au Cameroun, au Mexique, en Bolivie, au Pakistan, en Roumanie et dans d’autres pays encore.

Ils écrivent : Parce que nous y sommes allés à reculons, parce que nous ne nous sommes sentis libres qu’après l’avoir quittée, parce qu’elle nous a ouvert l’esprit autant qu’elle nous l’a cloisonné : nous sommes retournés à l’école.
La question pour nous était de savoir si l’école est une façon d’imposer un mode de pensée ou au contraire si elle est le moyen de donner aux enfants le bagage intellectuel qui, plus tard, leur permettra d’être libres. Les situations que nous avons rencontrées ont été si variées, et parfois si contradictoires, qu’arrivés au terme de ce travail, nous constatons que là où nous espérions obtenir des réponses, nous avons souvent trouvé de nouvelles questions. Ces doutes et ces questionnements font partie de ce reportage.

Cette idée de questionnement et de doute nous est chère, plutôt que l’idée d’un travail documentaire sur « la réalité » de l’école à travers le monde.

Les mondes que nous avons traversés et dont nous parlons ici sont ceux de nos impressions et de nos souvenirs.

Les mondes de l’école n’est qu’un doute. Lire la suite