Billets vie quotidienne

Dessin d’Anneka

Dans le jardin de Notre-Dame
Où l’on se fait de bons amis,
‘y a qu’à se promener chaque matin,
Un peu de maïs au creux des mains.
Même les ponts, ça se construit
Car pour aller à Notre-Dame,
De Notre-Dame jusqu’à Paris
Il a bien fallu se mettre au boulot
Et porter des pierres sur son dos
Pour passer par-dessus l’eau.
Voilà pourquoi Paris s’enroule,
S’enroule comme un escargot,
Pourquoi la terre s’est mise en boule
Autour des cloches du parvis.

Extrait de Notre-Dame de Paris, chanté par Edith Piaf, paroles : Eddy Marnay, musique : Marc Heyral,1952

 

 

 

Photo Centro Mujer Cabanillas, Espagne

Aujourd’hui 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. La première eut lieu le 28 février 1909 aux États-Unis, parrainée par le parti socialiste d’Amérique. Une autre journée eut lieu le 19 mars 1911, internationale celle-là, à l’appel de Clara Zetkin, une féministe allemande qui soutint activement le droit au travail des femmes, contesté au sein même du mouvement ouvrier. Deux types de revendications à l’époque : l’amélioration des conditions de travail et l’obtention du droit de vote. Les Nations Unies ont officialisé cette journée à travers le monde en 1975, parmi 87 journées internationales (!). Il s’agit ce jour-là de parler des conditions de vie des femmes : travail, famille, santé, droits, etc. Et aussi de faire remarquer que l’inégalité fondamentale reste celle du partage des tâches domestiques au sein du foyer, qui en entraîne bien d‘autres : les femmes travaillent plus à temps partiel (ça tombe bien, il y a de l’offre pour ça), sont moins présentes en politique ou dans l’engagement associatif, prévoient leur vie professionnelle et donc leurs études en fonction de leur rôle au sein de la famille, jonglent souvent avec deux ou trois journées en une…
Allez, c’est pas tout ça, remettons nos tabliers (pardon, nos capes à l’envers), le ménage n’attend pas !

 

Lci

Hier soir 14 février, je préparais un post sur la fête des amoureux, en déplorant le faible nombre de petits cœurs et de bouquets de fleurs entrevus dans le métro parisien, peuplé de passagers remarquablement bougons en cette presque fin d’hiver.
Et puis j’ai suivi le débat sur la fiscalité écologique pendant l’émission « 28 minutes » sur Arte.
Un homme et deux femmes sont invités. La plus  jeune explique l’importance de développer des moyens de transport autres que la voiture. L’homme, après avoir levé les yeux au ciel d’un air amusé, lui répond :

Vous savez,  ce qui m’embête, vous êtes charmante, vous êtes gentille, mais vous n’avez rien compris.

Elle est compétente, persuasive, a préparé son argumentaire… Court silence après l’intervention du monsieur. Vous êtes un peu lapidaire et condescendant, dit l’animatrice de l’émission, mais on entend à peine la fin de sa phrase. La jeune femme  sursaute et reprend son argumentation. La troisième experte, plus âgée, est invitée à « faire l’arbitre » et renchérit  sur les propos de sa voisine.
Je reste la fourchette en l’air (c’est l’heure du dîner), ai-je bien entendu ? Vous êtes charmante, vous êtes gentille, mais vous n‘avez rien compris. Est-ce ainsi qu’une femme peut être traitée, encore aujourd’hui, dans une émission de bonne tenue, sans que personne ne réagisse fermement ? Eh bien oui, c’est possible.

Alors finalement, la journée des amoureux,… Plus tellement envie de parler de petits cœurs et de fleurs moi…

 

Leurs enfants après eux, un livre de Nicolas Mathieu. Destin implacable de familles et d’adolescents après l’extinction des hauts fourneaux, quelque part dans l’est de la France, quand le travail manque et que rien ne vient le remplacer, hormis les supermarchés et les parcs de loisirs.
Les vies tournent en rond sans trouver la sortie, marquées par « l’effroyable douceur d’appartenir ».
Souvenir de ces couples de vingt ans, au bord d’un plan d’eau qui rassemblait la jeunesse et les familles des alentours, quelque part entre Sens et Troyes. Leurs ancêtres étaient sans doute bonnetières, briquetiers, bûcherons ou charbonniers. Les garçons avaient tous une canette de bière à la main, et ils n’en buvaient pas qu’une dans l’après-midi, témoins les petits bidons qui pointaient déjà au-dessus de l’élastique de leur maillot. Les filles affairées à s’occuper du ménage de leur mini-installation au bord de l’eau. Des ados qui jouent aux adultes, me suis-je dit, sauf qu’ils ne jouaient pas, car les bébés dans les bras de leurs mères encore minces étaient bien réels, comme l’étaient les couvertures sur lesquelles on voyait des biberons, des couches et tout le matériel pour s’occuper d’un enfant. Ils avaient l’air sérieux déjà, montés d’un coup de l’enfance à l’âge de parent.  Leurs regards fixes, leurs poses de grands. Comme ceux croisés dans les villages déserts de travail du Nord, un chemin, pas deux. Même pas tristes, des rêves mêmes pas brisés, juste entrevus peut-être. Et leurs enfants après eux ?

Elle ne retrouve plus  son portable. Panique. Elle cherche dans son sac, dans ses poches, s’agite sur le siège à côté de moi.  Son compagnon, assis en face d’elle, interrompt sa lecture d’un livre et  la rassure : mais non, regarde dans ta poche, là.

Ils ont la cinquantaine tous les deux, elle est blonde, soignée sans afféterie, habillée classe moyenne confortable et simple.  Lui porte un loden beige foncé sur une tenue du même genre, belle carrure, barbe fine et travaillée, regard  incisif.  Les deux au mitan de leur vie, de beaux jours derrière eux, encore beaucoup devant, si tout va bien.

Un homme sale, sentant mauvais, s’arrête dans le passage entre les deux carrés de sièges. Une petite pièce messieurs dames s’il vous plaît. Regard las, tête baissée, il sera peut-être écroulé dans un couloir du métro d’ici quelques minutes. Le couple ne lui prête aucune attention. Transparent. La dame trouve enfin son portable, dans sa poche, là, son compagnon avait raison. Elle soupire de soulagement et sourit.  Ils reprennent leur lecture attentive, lui de son  gros livre, elle d’un plus petit. Le miséreux est toujours là, silencieux. Je sors un euro de mon sac  et le lui donne. Le monsieur me regarde d’un air réprobateur, vous savez bien qu’on ne fait pas ce genre de choses, voyons ! semble-t-il dire. Je pourrais lui renvoyer la réflexion. Le miséreux s’en va.

 

 

 

Entendu sur le quai du métro :

– J’ai pas d’enfants, j’ai pas d’animaux, j’ai pas de copain, j’ai pas de travail. Mais je suis libre, je fais ce que je veux.
-…
– Ce qui m’embête c’est que je suis attachée à ma mère. Dans les livres les gens sont attachés à leur copain et aussi à leur mère. Moi je suis seulement attachée à ma mère.
– C’est pas beaucoup.
– Non mais je fais ce que je veux en fait.

 

La station République a retrouvé ses couleurs
Le rouge de l’infamie a quitté son front
Épluchée de ses oripeaux en plastique
Elle montre à nouveau ses carreaux blancs
Ça n’a l’air de rien une République toute simple
Dix lettres blanches sur fond bleu
Mais couverte de ce voile de honte
Elle ployait sous l’offense
Et les voyageurs avec
Qui faisaient semblant  de ne rien voir

 



 

dav

Paisible soirée de septembre. Le métro un peu cahotant emmène ses wagons sur la ligne 11, heureusement promise à un bel avenir de rénovation. Stations connues, parcours habituel, routine bienheureuse du métro parisien. Sursaut à République : la station est rouge vif du sol au plafond. Qu’est-ce que c’est ? Une déco provisoire pour masquer des travaux ? Une pub ? Un revêtement plastifié rouge sur lequel sont dessinées de charmantes saynètes recouvre les murs voûtés : une pimpante Parisienne avec béret rouge et chien-chien en laisse, deux types sympas en train de discuter, un troisième  main tendue vers une montgolfière, un manège, une maison, des ballons, des pigeons, et tous avec les petites bouteilles à la main, c’est tellement plus sympa, avec Coca-Cola. Le nom de la marque domine en blanc, nettement plus grand que celui de la station. Il paraît que Coca-Cola « a choisi de mettre à l’honneur le Paris des Parisiens » – qui se reconnaîtront sans peine dans ces personnages détendus qui gambadent sur les murs – en créant dix mignonnes petites bouteilles représentant les quartiers emblématiques de Paris. Et veut nous faire part de cette heureuse initiative, pas seulement à République, mais aussi à Opéra, Montparnasse, Pigalle et dehors, dans des quartiers ciblés, quelle chance ils ont !

dig

Lire la suite

Sciences et avenir

L’été s’achève, et avec lui sa moisson de nouvelles, d’étonnements et de trouvailles, à l’ombre des grands arbres  étendant leur ombre fraîche sur la canicule. Une découverte surprenante  est apparue au mois d’août dans un journal très observateur : les plus de 60 ans  aiment aussi ! « Laurence  a rencontré Kirk il y a cinq mois et quand elle parle du couple qu’ils forment désormais, elle dit que c’est « une passion ». Elle a 66 ans, il en a 70 ».
Bam !!!!  Incroyable mais vrai !  Les seniors se rencontrent, tombent amoureux et en redemandent ! C’est bien simple, « C’est complètement magnétique entre lui et moi. Comme deux aimants, c’est irrésistible (…).  Il me touche, je suis électrique des pieds à la tête ».
Elle n’exagère pas un peu Laurence ? Ou Jeanine, ou Brigitte, ou Maryse, de toute façon les prénoms ont été changés. Non, elle est  amoureuse et ce n’est pas du tout platonique. Ah bon ? On peut encore penser à ça à cet âge-là ? Vite, une interview  s’impose! D’où il ressort que la vision de la photo de Kirk a produit  un flash immédiat sur Laurence, réciproque heureusement. Qu’ils aiment le même vin, ont vécu des  histoires semblables, ont les mêmes goûts et s’en émerveillent, bref, ils s’aiment, à tel point que Kirk a dit à Laurence : « N’aie pas peur que l’on s’aime trop, c’est un amour éternel qui commence ».
Lire la suite

sdr

Dans une rue de Pantin, juillet 2018

Tu dois aimer ça, la chaleur, toi qui es d‘origine espagnole ? Ben non, c’est pas génétique, en plus des fois il fait froid en Espagne, il pleut, en somme il y a des saisons. La sieste n’est pas l’activité la plus notable des Espagnols, qui comme partout en Europe se débattent dans des questions d’appartenance, d’accueil, de fermeture, de chômage, de spéculation immobilière, de violences en tous genres.  Et vivent et luttent et essaient d’avancer malgré les embûches. Du banal en quelque sorte. Mais l’Espagne fut longtemps pour les autres le pays des vacances,  de la sieste à l’ombre des palmiers de la Costa Brava et des belles étrangères  qui se pâment d’aise devant la muleta.
La publicité nous assigne des rôles en carton-pâte : les Italiens dragueurs, les Anglais pince-sans-rire, les Français et leur baguette-croissant au son de l’accordéon, les Allemands organisés, les Suisses tout propres et les Espagnols qui font la sieste. Paysages de carte postale pour personnages en papier mâché, oui, j’ai des origines espagnoles, non j’aime pas les fortes chaleurs, non c’est pas bizarre, c’est juste que je préfère quand il fait vingt-cinq degrés plutôt que trente, quoi.

Allez, bon mois d’août, on se retrouve début septembre !