Billets vie quotidienne

Il fait chaud… Les pétales crémeux des fleurs de yucca penchent nonchalamment vers le sol. Plante méditerranéenne et de climat désertique, elle est promise à un bel avenir en climat tempéré, qui ne l’est plus tant que ça… Celle-là m’a fait un cadeau de velours satiné, dans mon jardin de banlieue.

Fin de l’année scolaire. Des cohortes d’enfants parcourent les rues avec leurs animateurs. L’école est finie.
Il n’y a plus aujourd’hui de distribution des prix, cérémonie clôturant jadis l’année scolaire, avec remise en grande pompe des livres aux têtes de classe. Couronnement d’une année de félicitations, d’encouragement et d‘inscriptions au tableau d’honneur. Certaines de ces distinctions ont survécu, mais non les prix de fin d’année ni leur distribution, à l’école publique du moins.
Salle des fêtes de mon école primaire de filles, il y a bien longtemps. Toutes les élèves sont là, en costume du dimanche, assises dans la salle avec leurs parents. J’ai le prix d’excellence, le Jupiter des prix, ex aequo avec une amie, comme pendant toutes nos années d’école primaire. Je suis en plein dans les statistiques : fille de professeurs, exercices toujours faits, leçons apprises au cordeau, visites culturelles en lien avec le programme. L’école à la maison et la maison à l’école. Un continuum assez ennuyeux, garantie d’un avenir assuré et sans surprise. Pourtant, elles ne manqueront pas plus tard, les surprises, bonnes ou mauvaises.

Tourne tourne sur la tête mestre de capoeira,
homme toupie pieds en l’air
saut arrière roue sur les mains.
Toute la planète est là dans ce coin du 93
rhabillé en Brésil,
à Romainville un dimanche de juin.
Hommes femmes garçons et filles,
grands petits ronds et minces,
Blancs Noirs et toutes les nuances entre les deux
mais on s’en fiche de la couleur et du genre,
Français du Brésil ou Brésiliens de France
sans oublier le Cap-Vert et l’Angola,
ils font la roda autour des joueurs.

Changement de maison. L’occasion de trier, de se débarrasser du superflu. De tamiser le tas de livres qui pèsent lourd dans les cartons. J’en ai donné beaucoup, ou plutôt je les ai mis dans une boîte à livres. Curieusement, le lendemain ils n’étaient plus là, tous disparus, même les analyses épineuses en sciences sociales ou les traités de jardinage des années 60. Des marchands passent-ils les rafler d’un coup pour les revendre au prix du papier ? Les livres ordinaires, ceux de tout le monde, perdent de leur valeur en vieillissant. Ils pèsent lourd et filent vite, interchangeables sur les tables des libraires, direction les boîtes à livres.

Le poète ne sert à rien,
comme les fleurs dans un jardin,
l’éclat de la rosée dans le petit matin,
le vol des alouettes et des palombes douces.
Le poète n‘est pas d’un bon rapport ni coté en Bourse,
d’ailleurs il ne gagne pas beaucoup de sous.
Et pourtant sans poèmes, si dure serait la vie,
si plates nos journées, si pâles nos émois. Nous ne pourrions que dire : « oh ! C’est beau ! » devant un paysage
ou « qu’il est mignon » en voyant un animal ou un enfant joli.

Une belle journée de printemps dans les années 1990. Épreuve orale de l’examen du diplôme d’éducateur spécialisé. Les jurys sont en binôme, un homme, une femme. Pendant trente minutes, nous interrogeons les candidats. Ils ont préparé un court exposé sur un sujet tiré au sort et nous leur posons quelques questions sur le travail social.
Une jeune femme prend place en face de nous. Elle est merveilleusement belle.

Fruits de l’automne et de l’été mêlés, pommes défendues mais si goûteuses, comment vous résister ? Arbre de la connaissance et péché de luxure, joli programme… Orange ouverte et sucrée, groseille, framboise, cassis, cerise, fruits ronds et colorés.
Quand nous chanterons le temps des cerises
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur

Joyeuses fêtes et bonne année !
¡Feliz año nuevo!

Je l’ai aperçue d’abord sur le conduit rose de la cheminée, une tache noire étalée près du plafond. Beaucoup trop haut, beaucoup trop loin pour que je m’en débarrasse d’un coup de balai. Intouchable.
J’ai revu la tache le lendemain, un peu plus près, toujours aussi immobile. C’est une tache avec des pattes, je crois bien qu’il y en a huit.
Elle n’est pas menaçante, elle est juste là, bien visible. Pas belle mais inoffensive. Elle ne va pas me sauter dessus pour courir sur mes vêtements, déclenchant une panique inexplicable, ni lancer un filin d’argent d’un bout à l’autre de la pièce, faisant de ma maison son territoire ailé. Elle pourra sans doute me rendre service en mangeant les quelques mouches qui viennent tourbillonner sur les fenêtres. Mais je ne vois pas sa toile. Comment s‘y prendra-t-elle ?

Biarritz en ce début d’automne, des chiens d’une propreté abyssale se promènent dans les rues, tout droit sortis du salon de toilettage, griffes manucurées, pelage brillant délicatement gonflé comme une coiffure de dame des années 50, des chiens qui n’ont jamais connu de flaque d’eau, de reniflage de derrière ou de sauts dans les tas de feuilles mortes. Il fait encore très doux, ils en profitent pour sortir leurs maîtres friands d’espadrilles de bon goût et de marinières portées dans le dos, les manches croisées sur la poitrine.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté, comme dit le poète.
Mais ne voient-ils pas, n’entendent-ils pas l‘océan, les chiens chics et leurs maîtres, depuis la rue Mazagran ou la place Sainte-Eugénie ?