Conversation

©Serge Rat – 506

– Bonjour Madame, une tradition s’il vous plaît !
– Ce sera tout ?
– Oui, merci.
La baguette glisse dans mon sac. Sourires.
– Et pour vous, ce sera ? Demande la boulangère à la cliente suivante.

À la pharmacie. Je tiens à la main un tabouret pliant récemment acheté dans un bazar que nous appelions droguerie dans ma jeunesse.
– Il est bien ce tabouret ? Me demande un inconnu.
– Oui, très pratique !
– Vous l’avez acheté où ?
– Au bazar là-bas, 12,90 € !
– Ah, c’est pas trop cher !
– Non, ça va, et c’est solide !
L’inconnu s’approche du comptoir pour demander ses médicaments. Je sors de la pharmacie.

Départ à la campagne. Le bus se traînait dans les rues, ralenti par le camion des éboueurs, les voitures garées sur la chaussée, les feux rouges. J’arrive sur le quai de la gare trois minutes avant le départ du train. Une dame de mon âge se presse à mes côtés :
– On arrive à temps ! Me glisse-t-elle.
– Oui, on a failli le rater ! Lui dis-je, essoufflée.
Nous sautons dans le wagon du TER* et chacune rejoint une place, loin l’une de l’autre.

Nous pourrions tous citer des dizaines de paroles échangées avec des inconnus dans la rue, les magasins, les administrations. Lien social léger, manière de faire société dès que l’on sort de chez soi, comme le « Bonjour, il fait beau ce matin ! », lancé au voisin qui répond de même. Le temps qu’il fait, inépuisable sujet consensuel en climat tempéré soumis au réchauffement climatique.

Indispensables contacts sans commune mesure avec les échanges sur les « réseaux sociaux ». Un post n’est pas une adresse directe, un like n’est pas un sourire, la bouille d’un émoticône reste silencieuse sur l’écran.

Dans certaines pharmacies, une ou deux chaises invitent des personnes, souvent âgées, à s’asseoir et à échanger quelques mots avec les clients ou les pharmaciens. Peut-être les seuls de la journée ou de la semaine. Parler ensemble, un médicament essentiel ?

Mark Granovetter a distingué les liens forts de type familial, très affectifs, et les liens faibles plus distants mais efficaces : échanges d’informations, indications d’opportunités… Les liens légers existent pour eux-mêmes, sans autre but que de faire société.

Liens faibles et liens légers, liens des mots et des sourires, lien social.

*Train Express Régional

Pour plus de tableaux de Serge Rat, voir son site :
http://www.juste1instant

Il expose tous les dimanches au Marché de la Création, boulevard Edgar Quinet à Paris.

10 réponses
  1. Alcide Carton dit :

    Un voisin, lors de la promenade reposante du soir :
    • « Tiens, bonsoir. Madame Ladenne nous paraît de fort mauvaise humeur ce soir. Elle a sorti son bâton.
    Sa femme : 
    • « Que nous vaut cette ire ? »
    Madame Ladenne :
    • « Je ne suis pas de mauvaise humeur. C’est ma jambe. Et le bâton que vous me voyez brandir n’a rien de menaçant. C’est ma canne qui, en principe, devrait m’aider à marcher. C’est dur de vieillir!
    Jaujac, Ardèche, un soir de juillet 2015

    Répondre
  2. SERGE RAT dit :

    Observateur du monde qui m’entoure, je vous montre une société en marche où chacun a sa singularité et ses mystères.
    Les chemins de vie se croisent, les liens se font, où se défont. On se rencontre, on s’éloigne.
    Les silhouettes grises sur la toile se détachent pour faire exploser la densité de chaque existence et le blanc amplifie le mystère de chaque chemin de vie.
    Le regard s’attarde sur chaque personnage ?
    Quel parcours ? Dans quel monde ?

    Répondre

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  1. Alcide Carton dit :

    Un voisin, lors de la promenade reposante du soir :
    • « Tiens, bonsoir. Madame Ladenne nous paraît de fort mauvaise humeur ce soir. Elle a sorti son bâton.
    Sa femme : 
    • « Que nous vaut cette ire ? »
    Madame Ladenne :
    • « Je ne suis pas de mauvaise humeur. C’est ma jambe. Et le bâton que vous me voyez brandir n’a rien de menaçant. C’est ma canne qui, en principe, devrait m’aider à marcher. C’est dur de vieillir!
    Jaujac, Ardèche, un soir de juillet 2015

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  2. SERGE RAT dit :

    Observateur du monde qui m’entoure, je vous montre une société en marche où chacun a sa singularité et ses mystères.
    Les chemins de vie se croisent, les liens se font, où se défont. On se rencontre, on s’éloigne.
    Les silhouettes grises sur la toile se détachent pour faire exploser la densité de chaque existence et le blanc amplifie le mystère de chaque chemin de vie.
    Le regard s’attarde sur chaque personnage ?
    Quel parcours ? Dans quel monde ?

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