Effacement

Ma grand-mère Generosa et ses filles Marie-Thérèse, Eugénie et Marie, ma mère, 1917

Lorsque ma grand-mère Generosa mourut à 64 ans, en 1947, sa fille aînée Marie-Thérèse, restée auprès d’elle, écrivit à ma mère. Elle raconte dans cette lettre émouvante la fin de ma grand-mère et conclut par ces mots :

On ne sait pas ce qu’est la souffrance quand on ne connaît pas la perte d’un membre de sa famille
et surtout d’une maman comme la nôtre. Quel dévouement infini et quel effacement !
Que de regrets pour nous ! Bises très affectueuses de nous tous.

Cette expression : Quel dévouement infini et quel effacement !  m’a marquée lorsque j’ai lu cette lettre vers l’âge de dix ans. Ainsi, le dévouement infini et l’effacement étaient des qualités féminines dignes d’admiration pour ma tante et une bonne partie de la société qui l‘entourait ?

J’imaginai le nom de ma grand-mère écrit au crayon à papier et ensuite effacé avec une gomme. Et ma grand-mère avec. Elle ne se contentait pas de disparaître en mourant, elle s’était déjà effacée de son vivant. La chère disparue entraînait avec elle les regrets de ses proches. Regrets de sa présence ou de son retrait de son vivant ?

Pourtant, ses filles disaient d’elle qu’on pouvait lui donner un cochon entier qu’elle transformait en boudin, saucisson, pâtés, jambon… Elle devait faire merveille lors du pèle-porc, la tradition pyrénéenne où, après que les hommes avaient tué le cochon, les femmes le transformaient. Une machine à coudre Singer nous est restée d’elle, qu’elle utilisait pour confectionner les vêtements de sa famille. Et tant d’autres choses que cette ménagère, ainsi désignée dans les actes de naissance de ses enfants, réalisait jour après jour, sans lesquelles son mari n’aurait pu exercer son métier de cordonnier ni ses filles poursuivre leurs études.

Ainsi, cette femme dont la fille louait l’effacement fut-elle dans le même temps une pièce clé de sa famille. Mais ne voit-on pas que faire le ménage est indispensable quand il n’est pas fait, justement ?

En accord avec mes proches, j’ai fait graver sur la tombe à Oloron-Sainte-Marie le nom de ma grand-mère et celui de ma tante Marie-Thérèse, ajoutés à celui de mon grand-père, qui semblait en être le seul occupant jusque-là.

Pour que personne ne soit effacé de notre histoire.

4 réponses
  1. Alcide CARTON dit :

    Très émouvant et sensible hommage à ta grand-mère. Bravo.
    Je ne puis m’empêcher de fredonner cette très belle chanson de Jean-Ferrat ici interprétée merveilleusement par Isabelle Aubret.
    Cette chanson figure au générique du film de René Alio, « la vieille femme indigne » (1965).

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  2. Maryse Esterle dit :

    Merci pour vos commentaires et aussi pour ceux que j’ai reçus sur mon adresse mail, par téléphone ou sur d’autres réseaux…
    Je repense souvent souvent à cette chanson d’Anne Sylvestre,
    « Grand -mère, grand-mère, vous êtes morte cette nuit, grand-mère, grand-mère, vous êtes morte d’ennui…
    https://www.youtube.com/watch?v=u4jt3BSGnXQ
    À la mémoire de nos grands-mères !

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