Billets vie quotidienne

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Gare du Nord, six heures du soir,  Paris rentre à la maison. Les escaliers, les quais, les trains regorgent de gens, de vitesse, de bruit. Dans la foule qui court et qui roule, les petits pas tremblotants du vieux monsieur.

Il tient à la main un grand sac en plastique rayé, éternel bagage des sans-logis. Il va tout doucement rejoindre un autre vieux monsieur, ils sourient et se disent bonjour dans leur langue râpeuse. Ils s’assoient ensemble contre le mur avec une petite coupelle devant eux.

Maryse Esterle, février  2013

 

Vision 1

Je suis allée au marché des Lilas ce matin. Je montais la côte qui y mène, j’étais presque arrivée en haut, et je les ai vus. Mon père et ma mère, marchant vers la bibliothèque. Deux petits vieux maigriots, un peu courbés en avant, de la même taille, elle avec des cheveux courts, lui un peu chauve, les deux en pantalon d’été, avec des chemisettes légères et des chaussures pratiques. J’ai pressé le pas, failli courir pour les rattraper, ils ont tourné le coin de la rue, j’ai accéléré, j’avais peur qu’ils aient disparu comme des fantômes mais non, ils étaient encore là, ils me tournaient le dos en regardant une affiche, je les regardais avidement, oh, est ce qu’on se console jamais d’être orphelin ? Je les ai pris en photo, de dos, mon père et ma mère. À jamais.

Maryse Esterle

29 août 2012