Bulles d’enfance
Du 12 au 14 avril 2013, dans une galerie parisienne, Marie Raynal a exposé ses photos et j’ai ajouté quelques écrits. Nous avons fait un petit livre de cette exposition, qui commence par ce texte :
Mon enfance n’a pas été marquée par une grande animation.
Petite fille solitaire dans une maison silencieuse
où venaient peu d’amis,
que mes parents du reste ne recherchaient pas,
je regardais par la fenêtre de ma chambre,
et j’y voyais un jardin, des arbres fruitiers, d’autres maisons
aussi coites que la mienne
et au loin, encore des arbres.
Je m’échappais de cet univers monotone et verdâtre
en me racontant des histoires audacieuses pour l’époque.
Je m’imaginais mariée à un Noir américain et circulant avec ma famille (j’avais trois enfants)
dans une de ces grandes voitures aux ailerons aigus
typiques du « rêve américain » des années 50.
J’ai longtemps ainsi sillonné les routes sans fin des USA
dans la chaleur de l’été (c’était toujours l’été),
tout en faisant mes devoirs, en regardant la télé
et en dînant à heures fixes
avec mes parents impavides
qui égrenaient les aléas de la vie domestique
et les menus évènements du lycée où ils enseignaient les mathématiques.
Je m’inventais une amie imaginaire qui consolait ma solitude,
sous la forme d’une petite fille très brune qui me suivait partout
et que je protégeais, toutes les deux unies
contre la brutalité d’un monde d’hommes
qui m’attirait et me faisait peur à la fois.
Je me battais en mon for intérieur avec des cow-boys,
les portes des saloons grinçaient, les coups de feu claquaient…
C’était le Far West dans ma tête
et mes parents trouvaient que j’avais l’air parfois… dans la lune.