Un samedi de décembre rue du Temple. Un homme est assis sur le rebord de la devanture du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV pour les Parisiens). La cinquantaine, le regard direct, digne. Vous n’avez pas un peu d’argent ? Je voudrais une crêpe au fromage.
Une crêpe au fromage ? Justement, à cinquante mètres de là, une petite boutique de crêpes au comptoir ouvert sur la rue répand sur le trottoir une délicieuse odeur de pâte et de sucre.
J’ai depuis longtemps renoncé à donner une pièce aux miséreux qui font la manche. Une foule tend la main, disséminée sur les trottoirs, les bancs, dans les couloirs du métro, aux feux rouges. Si je donne à l’un, je donne à l’autre. Impossible. Trop nombreux. Alors, je fais comme les autres passants, une dénégation rapide de la tête, le regard ailleurs.
J’ai neuf ans. Un matin d’avril 1961, ma mère entre dans ma chambre pour me réveiller. Les généraux ont été arrêtés !*, me dit-elle avec un grand sourire. Je ne comprends pas ce qu’elle veut dire mais visiblement, c’est une bonne nouvelle. Mes parents et moi ne parlons pas de politique, je suis trop jeune pour ça. Mais depuis quelque temps, l’ambiance est tendue à la maison, comme une épaisseur particulière dans l’air. De même dans tout le pays. J’ignore à ce moment-là ce qu’il se passe en Algérie, je serai renseignée bien plus tard sur la réalité des choses.
On parle d’attentats. Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais je perçois une force violente, massive, explosive. Le mot attentat est un bloc, je l’imagine flottant dans les airs, prêt à fondre sur nous.
Un soir de septembre, dans le métro parisien, au départ de Châtelet. La voiture est pleine de voyageurs. Un jeune homme, debout, demande d’une voix avinée à un autre, assis à côté de moi du côté de l’allée centrale, de se lever. Je suis âgé, dit-il, laisse-moi m’asseoir. Le jeune assis ne réagit pas. Tu as des écouteurs ? reprend la voix pâteuse, tout près du siège convoité. Je suis âgé, laisse-moi m’asseoir. Personne ne bouge autour du toxico, formant un mur de silence, comme pour contenir ses paroles. Je suis aux aguets.
Fin août sur la ligne de TGV Paris Barcelone. Le train s’arrête en gare de Valence. Une bouffée de chaleur entre dans la voiture avec les voyageurs. Parmi eux, trois ados sans bagages qui s’engouffrent dans les toilettes. Un. Deux. Trois. Le dernier entré tire le verrou de la porte. Moi qui voulais utiliser ces toilettes pour leur destination première, je suis marron. Et interloquée. Qu’est-ce qu’ils ont voulu faire, en s’entassant ainsi dans même pas un mètre carré ?
Mon jardin est plein de mauvaises herbes. Elles y arrivent toutes seules, graines soufflées par le vent, apportées par les oiseaux, nichées en douce dans la terre.
Boutons d’or, graminées en tous genres, délicates aigrettes des pissenlits frémissant au souffle de l’air, liserons blancs enroulés autour de la clôture, petites plantes sans nom qui se fraient un chemin sur le sol sec et argileux…
Voletant autour d’elles, des papillons, des abeilles ; au sol, des fourmis, des coccinelles, des limaces et des escargots cachés sous les feuilles et ces drôles d’insectes appelés gendarmes, avec leur armure rouge et noir.






Vœux 2026
Un ciel bleu quelque part en Béarn…
Et pour l’accompagner, cette chanson connue partout dans le Sud-Ouest et au-delà :
Aqueras Montanhas (ces montagnes – prononcer aqueros montaños)