Alerte
Un soir de septembre, dans le métro parisien, au départ de Châtelet. La voiture est pleine de voyageurs. Un jeune homme, debout, demande d’une voix avinée à un autre, assis à côté de moi du côté de l’allée centrale, de se lever. Je suis âgé, dit-il, laisse-moi m’asseoir. Le jeune assis ne réagit pas. Tu as des écouteurs ? reprend la voix pâteuse, tout près du siège convoité. Je suis âgé, laisse-moi m’asseoir. Personne ne bouge autour du toxico, formant un mur de silence, comme pour contenir ses paroles. Je suis aux aguets.
En face du jeune assis, une femme d’une cinquantaine d’années ; nous échangeons un regard. Le jeune homme assis enlève ses écouteurs, je suppose pour être prêt à réagir en cas de besoin.
Arrivé à République, le jeune défoncé quitte le wagon avec une dernière injure, emportant avec lui sa misère menaçante. Le jeune assis reste calme sur son siège.
La dame en face lui demande : Ça va ? Oui, c’est pas grave, répond-il. La dame a les larmes aux yeux. Tension.
Le jeune homme se lève à Belleville. Il se tourne vers moi et me dit au revoir, avec intensité. Un au revoir de remerciement, de je savais que vous étiez là. A-t-il capté que, même sans bouger, je suivais à ce qui se passait, prête à changer de place avec lui si besoin ?
N’empêche, le plus souffrant des deux est parti le premier et pour lui, dans ce wagon de métro, personne ne pouvait rien.
Dur, mais sonnant si vrai !
Toujours, bravo, Maryse !
Ce que l’on voit dans le métro n’est que le reflet de la vie réelle : beaucoup de gens perdus, dans une misère tant financière que psychologique. Combien de gens au-dessous du seuil de pauvreté en France ? Combien de malades mentaux non soignés, la psychiatrie étant le parent pauvre de la médecine.
Aller dans le métro c’est se rendre compte de ce qui se passe ailleurs, au-delà !
En quelques années, des dizaines de milliers de lits ont été fermés en psychiatrie, sans que des solutions alternatives en ambulatoire ne puissent les compenser, et de loin !
Il n’est pas rare de rencontrer des gens errant dans les transports en commun, dans les rues, qui auraient besoin de soins… Je pense que ce fut le cas ce jour-là.