Dix-sept ans
Fin août, sur la ligne de TGV Paris Barcelone. Le train s’arrête en gare de Valence. Une bouffée de chaleur entre dans la voiture avec les voyageurs. Parmi eux, trois ados sans bagages qui s’engouffrent dans les toilettes. Un. Deux. Trois. Le dernier entré tire le verrou de la porte. Moi qui voulais utiliser ces toilettes pour leur destination première, je suis marron. Et interloquée. Qu’est-ce qu’ils ont voulu faire, en s’entassant ainsi dans même pas un mètre carré ?
Se droguer ? Mais se faire un fixe ou une ligne de coke dans un espace aussi réduit, ça paraît périlleux et il faut que l’envie soit pressante, c’est le cas de le dire. Quant à fumer un joint, c’est l’asphyxie assurée. Ou alors ils veulent faire des trucs sexuels ? Mais pour ça, il faut être acrobate et l’espace laisse peu de place à l’imagination.
Alors quoi ? Voyager sans payer ? Serrés comme des sardines dans ce réduit ? Au risque de tomber dans les pommes ou de se taper une crise d’angoisse au bout de quelques kilomètres ?
J’avise le contrôleur qui passe. Il frappe à la porte avec un « Sortez ! » sans appel. La porte s’ouvre sur un ado compressé contre le lavabo des toilettes. Les trois en sortent à grand-peine et se retrouvent devant le contrôleur. Trois jeunes blancs, 16 -17 ans maxi, aucun signe de pauvreté, l’air bien nourris, qui écoutent effarés la sentence : 75 euros d’amende par personne, vous êtes mineurs, on va prévenir la police et vos parents aussi bien sûr. Vous pouvez payer l’amende ? Non ? Bon. La police vous attendra à la prochaine gare de toute façon. Je m’éloigne vers ma place en entendant les derniers mots du contrôleur : Si vous nous aviez prévenus, l’amende aurait été beaucoup moins élevée, 35 €, mais là, il y a fraude et vous êtes mineurs en plus. Silence triangulaire des zigotos.
Ces futurs boomers des années 2060 ne verront plus jamais les toilettes des TGV (ou des trains Intercités) avec les mêmes yeux. Moi non plus.
Ils se rappelleront peut-être en souriant cette bêtise de leur jeunesse, tandis que leurs enfants leur diront innocemment : On va faire un tour, papa, on revient vite, ne t’inquiète pas !
On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans*. Ou 16. Ou 15.
*Célèbre vers d’Arthur Rimbaud, 1870.
Bonjour les lecteurs du blog ! Derrière le verbe impeccable de l’autrice, on découvre un succédané d’enquêtrice d’investigation, de sociologue de terrain mais aussi de fine politique qui veut bien apporter de l’aide au 1er ministre béarnais sortant, en accréditant sa thèse des « boomers » mais aussi renflouer les caisses de l’État ! Et si ces gouttes d’eau accréditaient par leur fermeté la confiance à François Bayrou, l’homme qui n’aimait pas qu’on lui fasse les poches ! Haut les cœurs !
Merci pour ce commentaire plein de dynamisme, Alexandre ! Je ne sais pas si j’apporterai une aide à notre premier ministre, mais les bêtises adolescentes coûtent parfois cher aux parents, en effet !
Oh, je n’en reviens pas de cette histoire aussi amusante que déprimante ! J’imagine bien la scène en te lisant Maryse, bravo, et je souris devant la mine déconfite des ados mais je frémis en pensant à leurs parents. Je me souviens d’avoir récupéré une de mes filles dans un commissariat pour défaut de ticket de transport. En plus un soir où je recevais des amis…
Eh oui, il faut bien que jeunesse se passe… L’expérience ne se transmet pas, il faut la faire soi-même, en tant que parent et en tant qu’enfant !