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Au cours de  mes années dans le Nord, j’ai circulé sur le réseau des trains locaux, loin des TGV qui relient les grandes villes entre elles. Je suis allée dans l’Avesnois, une région rurale,  à l’est  de Valenciennes, limitrophe de la Belgique et des Ardennes. Le voyage de Lille à Avesnes est aussi long que de Lille à Paris, alors que la distance est deux fois moindre. Ces trains sont empruntés par des collégiens et lycéens  qui stationnent en groupe sur le quai des gares. Tranche de vie.

 

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Sur le quai de la gare d’Avesnes-sur-Helpe, des ados très jeunes, tout blonds, attendent le train qui les emmènera vers Aulnoye. Ils fument tous. Un gamin plutôt maigriot aspire les bouffées de sa cigarette en marchant lentement, les bras un peu écartés du corps. Il gonfle les joues quand la fumée entre dans sa bouche et souffle fort pour l’en expulser. Il a une coupe à la mode, les cheveux très courts sur les côtés et plus fournis sur le haut de la tête. Il tapote la cendre de sa cigarette en tendant le bras loin devant lui, de l’air indifférent du type qui a fait ça toute sa vie, genre je fume, c’est mon métier. Il boit un jus de fruits au goulot d’une bouteille en plastique, sans doute de la framboise ou de la grenadine (mais est-ce que les minos d’aujourd’hui boivent de la grenadine ?). Il penche un peu trop la tête en arrière en avalant le liquide et retrousse la lèvre supérieure après avoir fini, comme s’il venait de prendre une rasade de whisky, genre John Wayne dans l’Amazone aux yeux verts. Il en fait des tonnes pour attirer l’attention des filles assises sur un banc, mais elles sont concentrées sur leur discussion avec un autre garçon aussi longiligne que lui. Pas facile de sortir du lot quand on a treize ans…

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Gare du Nord, six heures du soir,  Paris rentre à la maison. Les escaliers, les quais, les trains regorgent de gens, de vitesse, de bruit. Dans la foule qui court et qui roule, les petits pas tremblotants du vieux monsieur.

Il tient à la main un grand sac en plastique rayé, éternel bagage des sans-logis. Il va tout doucement rejoindre un autre vieux monsieur, ils sourient et se disent bonjour dans leur langue râpeuse. Ils s’assoient ensemble contre le mur avec une petite coupelle devant eux.

Maryse Esterle, février  2013