Hors saison
Métro parisien, un soir de mars, 22 heures. Il fait encore frais ces jours-ci. Tous les passagers, hommes et femmes, sont couverts des pieds à la tête : pantalons, jupes, collants, écharpes. Une jeune fille, très grande, très blonde, cheveux longs dénoués, s’assied sur le siège en face du mien. Un visage aux pommettes hautes, de beaux yeux verts, l’air tranquille. Elle pianote sur son téléphone portable, comme les trois quarts des passagers.
Un pull et un blouson à manches longues couvrent le haut de son corps. En-dessous, elle porte un boxer noir. Ses jambes croisées à la peau dorée sont nues jusqu’en haut des cuisses. Aux pieds, des santiags marron éculées. Un de ses genoux est couvert de bleus, l’autre d’une croûte rouge en forme de large médaille. Des ombres d’hématomes sur les cuisses. Tombée sur les genoux, frappée ? Elle relève la manche de son pull, elle a des croûtes aussi au poignet.
Les Parisiens rompus aux situations les plus extravagantes lui jettent un rapide regard en entrant dans le wagon, sans commentaire. Sur la plate-forme centrale, un jeune homme fait écouter sur un gros magnéto une chanson de Cheb Khaled, que les voyageurs semblent apprécier. Son acolyte rit d’un rire doux et artificiel, les yeux trop brillants. Il parle aux passagers sans attendre de réponse. Drogue, alcool, médocs ?
Vous êtes charmante, dit-il à la jeune fille aux jambes dénudées, assise à quelques mètres de lui. Tout le monde l’entend. Elle lui sourit comme s’ils se croisaient dans un parc, elle vêtue d’une jolie robe printanière, lui en train de faire son jogging.
Des bleus partout, les jambes nues en mars, l’air de rien, tout va bien.
Énigme parisienne souriante et cabossée.
Ce billet est très agréable à lire.
Merci ! Il a été aussi agréable à écrire, quoique le sujet m’a posé question… sans réponse !!
Très bien décrite, cette situation maintenant assez courante, d’une ou d’un passager du transport public qui sort vraiment de l’ordinaire, mais qui n’attire que très brièvement le regard des autres passagers absorbé par leur smartphone. Passagers aussi n’ayant pas envie d’un incident qui pourrait perturber leur voyage. La fin du billet me plaît beaucoup.
Merci Marie-Claude. Les passagers se protègent sans doute de ce qui pourrait les détourner de leur parcours, et les entraîner vers des terres inconnues et troublantes…
Scène de la vie quotidienne dans le métro parisien.
Il y en a beaucoup dans le métro, où se côtoie presque tout le monde (à part certaines personnes qui préfèrent ne pas le prendre pour diverses raisons). Un lieu étonnant de proximité et de distance mêlées.