L’heure bleue d’Emmanuelle Riva
Emmanuelle Riva s’est envolée le 27 janvier dernier. Deux semaines plus tôt, elle éclairait l’émission de Laure Adler avec ces paroles :
Je commence à dépasser les bornes de l’âge, je sens qu’on est deux, il y a mon corps et moi, je le sens très fort, il y a une lutte et puis faut pas faire la maline, faut se dépêcher d’être comme tout le monde, faut pas se faire remarquer ! Son rire argentin de jeune fille.
Vivre en artiste c’est quoi ? De l’art j’en vois chez beaucoup de personnes, l’art de vivre. Mon grand-père était un maçon, il était beau, je suis issue de ces milieux là et je dis bêtement que j’en suis fière.
Les souvenirs sont très vivants pendant que je m’entretiens avec vous, je ne veux pas que vous soyez venue pour rien !
Ça devrait être simple un couple, parce que tout s’intrique, et en même temps on a besoin de liberté. On a besoin d’être seul mais avec les autres. On ne se sent pas seul sauf quand on est un peu malade, parce qu’on a la frousse.
Elle dit On a la frousse, ma mère disait la même chose, c’est un mot d’avant, aujourd’hui on dirait plutôt On a la trouille, c’est flippant, ça fait peur…
Quand elle dit ça elle sait qu’elle va mourir d’un cancer, elle dit juste Quand on est un peu malade, on a la frousse.
Elle rit, ce rire ! Un rire qui ensoleille, qui entoure ces paroles intelligentes, lumineuses.
Mai 2013, remise du César de la meilleure actrice pour son rôle dans Amour de Michael Haneke (ils ont attendu longtemps, quand même). En remerciement, penchée vers le micro dans une longue robe rouge : J’aime être avec les autres, c’est une faiblesse que j’ai, et ces vers de Kleist :
Ami, ne néglige pas de vivre,
Car elles fuient les années,
Le suc de la vigne ne nous embrasera pas longtemps
J’aime être avec les autres, c’est une faiblesse que j’ai…
A la fin de l’Heure bleue, Laure Adler : Merci beaucoup Emmanuelle Riva, Oh mais non de quoi non non, c’est un plaisir de…
On reviendra vous voir,
Oh vous croyez ?
Au revoir Madame Riva, bon voyage !